De père grec et de mère éthiopienne, élevé à Beyrouth, puis exilé en France, époux d’Anouk Aimée et d’Olga Karlatos, Nicos Papatakis, plus connu comme Nico, est l’un des réalisateurs d’origine grecque les plus réputés de l’après guerre.
A Paris où il s’installe en 1939, il fréquente l'intelligentsia parisienne de l'époque. Plus tard, il crée le cabaret La Rose Rouge dans le quartier de Saint-Germain de Près, passage préféré de nombreux artistes tels que Mouloudji, Michel Piccoli, Les Frères Jacques et Juliette Gréco.
Son amitié avec Jean Genet l’emmène en 1950 à la réalisation et au financement du Chant d’amour, dont la photographie est signée par Jean Cocteau. Le film, qui aborde le thème de l’homosexualité en prison, a été vivement critiqué et censuré et ne sortira en salles qu’en 1975.
Les Abysses, d’après la pièce théâtrale Les Bonnes de Genet, c’est son premier long-métrage réalisé en 1962, axé sur l’histoire d’une famille bourgeoise humiliée par ses femmes de ménage.
Le film reçut en 1963 le Grand Prix de l’Académie de Cinéma, mais ceci après avoir provoqué un scandale au Festival de Cannes. Certaines critiques de l’époque y reconnaissent un plagiat provocateur.
Genet avait affirmé à propos du film qu’il est possible de s’indigner contre la ténacité avec laquelle Nico Papatakis a su saisir et conduire son film pendant deux heures.
Quoi qu’il en soit, “on doit garder les yeux grands ouverts comme lorsqu’un acrobate exécute un numéro mortel.”
Les Patres du désordre (1967) est un film de réflexion existentielle qui critique fortement les mœurs qui poussent les jeunes au désespoir et au déclin.
En même temps, Papatakis y exprime son opposition à la dictature des colonels de l’époque. Il faut attendre presque 20 ans pour qu’il procède au tournage d’un nouveau film.
En 1986, il réalise La photo, film austère et rigide sur le thème de l’exil, sélectionné au Festival International du Film de Thessalonique et au Festival de Cannes.
Quatre ans plus tard Les Equilibristes avec Michel Piccoli sera son dernier film.
Fuyant aussi bien la psychologie que le récit réaliste, ses films sont autant de fables du monde où se jouent les rapports (et les luttes) de classe et le sexuel et le social se trouvent intimement liés.
Chacun de ses films constitue une obsession de l’humiliation et en même temps un cri de révolte.
Papatakis, un “ami rare, un homme de courage, un cinéaste raffiné et audacieux” selon les paroles de Jack Lang, a été honoré en 2009 avec l’insigne du Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres.
Un an après, en 2010, Papatakis un "irréductible marginal dont l'exigence et l'audace nous poursuivront longtemps", selon Frédéric Mitterrand, meurt à Paris.
Cinéaste rare et parcimonieux (six films en trente ans), Nico Papatakis apparaît aujourd’hui, dans ce monde où fait retour le politique, où l’exclusion est plus que jamais d’actualité, comme un auteur essentiel.